09/04/2024 | Article | Dénigrement et Diffamation sur internet
Sur internet, l'utilisation d'identités fictives ou de pseudonymes par des individus malveillants est devenue monnaie courante. Ces pratiques, souvent adoptées pour s'assurer une couche d'anonymat, représentent un défi à la fois pour les personnes et les professionnels qui sont la cible de déclarations diffamatoires.
En effet, l'anonymat en ligne crée un environnement propice à des comportements répréhensibles, allant du dénigrement et de la diffamation à la violation des droits d'auteur, en passant par le harcèlement. Si l'anonymat peut être perçu comme fondamental pour la liberté d'expression, son utilisation à des fins malveillantes pose un problème. La frontière entre l'usage légitime de pseudonymes et l'exploitation de l'anonymat pour nuire est donc fine et complexe.
Qu’est-ce qu’un dénigrement ?
Le dénigrement sur internet, assimilé à une forme de concurrence déloyale, relève de pratiques où l'on cherche à discréditer un concurrent ou ses produits/services. Cette notion, bien que non explicitement définie par la loi, a été précisée par la doctrine et la jurisprudence. Le dénigrement se caractérise par des actes visant à nuire à l'image, à la marque d'un professionnel ou d’une entreprise ou à un produit, ou service spécifique, dans le but de détourner la clientèle, que ces propos soient basés ou non sur des faits avérés. Ces actions sont sanctionnées par l'article 1240 (précédemment 1382) du Code civil, soulignant la responsabilité de toute personne dont les agissements ont causé un préjudice à autrui. Afin que le dénigrement soit fautif, il est nécessaire qu’il soit public (communication sur internet, réseaux sociaux, la presse etc.) - Cass. com., 3 juillet 2001, n°98-18.352.
Les attaques collectives peuvent aussi être qualifiées de dénigrement. En effet, la jurisprudence réprime des campagnes publicitaires dénigrantes qui, bien qu'elles ne ciblent pas une entreprise spécifique, s'en prennent à plusieurs entités ou à des groupes d'entreprises.
Qu’en est-il de la diffamation sur internet ?
À côté du dénigrement, la diffamation constitue une autre offense grave dans l'espace virtuel. Contrairement au dénigrement, l'action en diffamation est fondée sur la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, exposant son auteur à des peines pénales. Elle se définit par la proclamation d'un fait de nature à porter atteinte à l'honneur ou à la réputation d'une personne physique ou d'une entité.
En pratique, le diffamateur attribue délibérément à quelqu'un, qu'il s'agisse d'un individu, d'une institution ou d'un ensemble de personnes, un comportement, un acte ou un fait nuisant à son honneur ou sa dignité. L'intention est l’élément qui caractérise cette infraction.
Pour être considéré comme diffamatoire, l’acte ou le fait doit être suffisamment précis pour être prouvable, et il importe peu qu'il soit formulé de façon explicite ou implicite. La législation française, à travers sa formulation large, reconnaît ainsi la diffamation même lorsque la victime n'est pas nommément désignée mais reste identifiable.
Cette infraction se présente sous deux formes distinctes : la diffamation publique et la diffamation privée, entre lesquelles le droit établit une distinction et pour lesquelles la loi prévoit des sanctions différentes.
Que dit la loi ?
En France, en absence d'un régime spécial, le dénigrement relève du régime de responsabilité général établi par les articles 1240 et 1241 du Code civil, nécessitant la preuve d'une faute, d'un dommage et d'un lien de causalité entre les deux. Ces dispositions impliquent que toute personne qui, par son action directe ou par sa négligence, cause un dommage à autrui est tenue de le réparer. Si le dénigrement est avéré, la victime pourra ainsi réclamer des dommages et intérêts pour le préjudice subi. La diffamation publique, qui est considérée comme un délit, entraîne des sanctions plus sévères que la diffamation privée, avec une amende de base de 12 000 euros. Cette amende peut s'élever à 45 000 euros dans le cas de circonstances aggravantes, telles que la diffamation envers des fonctionnaires en raison de leurs fonctions ou des propos diffamatoires de nature raciste, sexiste, homophobe ou contre les personnes handicapées. Pour ces derniers cas, l'auteur peut également être condamné à un an de prison, en plus de l'amende.
Depuis la loi du 3 août 2017, des sanctions complémentaires peuvent être appliquées, incluant des travaux d'intérêt général (entre 20h et 120h), la confiscation des moyens utilisés pour commettre l'infraction, un stage de citoyenneté, ou encore l'interdiction de détenir ou de porter une arme autorisée pour au moins trois ans.
Que faire si je suis victime d’un dénigrement ou d’une diffamation ?
La première démarche pratique à entreprendre face à un acte de dénigrement ou toute autre atteinte portée par un anonyme (ou pas) sur internet est de faire établir un constat d'huissier. Cette étape permet de sécuriser les preuves de l'acte répréhensible dans le respect des spécificités techniques, rendant ainsi le constat irréfutable devant les juridictions. L'huissier documente de manière détaillée le contenu, le contexte et la portée de l'acte litigieux, qui servira par la suite lors de l’action en justice.
Les délais de prescription pour agir en justice varient selon qu'il s'agit de dénigrement ou de diffamation. Pour le dénigrement, qui cible non pas directement une personne mais plutôt les produits ou les services d'une entreprise, relevant ainsi de la concurrence déloyale et sanctionné sur le plan civil, la victime a un délai de 5 ans à compter de l'acte pour engager une action en justice.
Concernant la diffamation, le cadre juridique impose un délai de prescription plus restreint. Selon le droit pénal français, une victime de diffamation dispose de 3 mois pour porter l'affaire devant la justice à partir de la date à laquelle les propos diffamatoires ont été prononcés. Toutefois, ce délai s'étend à 1 an pour les cas de diffamation publique ou non publique ayant un caractère raciste, sexiste, homophobe ou handiphobe. Passé ces délais, toute action en justice est prescrite, rendant la plainte irrecevable.
Les démarches relatives à l'identification de l'auteur des faits via des moyens techniques et juridiques, tels que les réquisitions auprès des fournisseurs d'accès à internet ou des plateformes hébergeant les contenus litigieux, est importante pour la suite d’une éventuelle procédure.
L'anonymat malveillant sur internet est un vrai enjeu. Que vous soyez un particulier ou un professionnel confronté à des situations de diffamation ou de dénigrement, NSP avocats est à vos côtés pour vous guider et vous épauler dans vos procédures contentieuses.
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