Depuis 2020, le cabinet NSP Avocats constate qu´il y a une évolution favorable concernant l´indemnisation des clients en cas de manquement au devoir de vigilance du banquier dans le cas d´une escroquerie financière. Le but de cet article est de comprendre le manquement au devoir de vigilance du banquier et son interprétation par les juges du fond.
Prenons l´exemple de Monsieur X. C´est un jeune retraité qui souhaite investir le fruit de son épargne dans le but de faire croître son patrimoine. Il se renseigne sur divers sites internet ainsi que sur les différents produits d’investissement et finit par être contacté par une société se faisant passer pour des conseillers en investissement. Monsieur X effectue quelques recherches sur internet. Il ne voit pas d’avis négatifs concernant le site en question. Celui-ci n’est pas non plus répertorié par l’AMF en tant que site frauduleux et en plus le discours de ses interlocuteurs est très professionnel. Ainsi, en toute confiance, Monsieur X décide d´investir €88.000 sur le marché des crypto-actifs, une somme considérable par rapport à ses moyens. Ces investisseurs lui affirment que les placements proposés sont sûrs et lui promettent un retour de gains importants, rapides et sans risque. Il effectue 7 virements à destination de banques étrangères situées en Espagne et au Portugal, sur une période 6 mois. Monsieur X n´a pas été averti par sa banque des risques sur ce placement. Après un certain temps, Monsieur X souhaite récupérer les sommes investies ainsi que les gains liés à l´investissement, mais impossible de récupérer l´argent.
Monsieur X est victime d´une escroquerie financière. Il comprend qu´il ne pourra pas récupérer l´investissement via la société frauduleuse et souhaite avoir plus de renseignements concernant la responsabilité de sa banque. Il décide alors de contacter son avocat afin de le conseiller sur sa situation.
Quelles sont les obligations du banquier de Monsieur X ?
Le banquier est tenu d’un devoir de vigilance envers ses clients. En effet, la loi lui impose de veiller à la bonne tenue du compte bancaire et de détecter les anomalies liées à son fonctionnement. En d’autres termes, le banquier a une obligation de tenter de déceler les irrégularités ou les anomalies apparentes, matérielles ou intellectuelles, sur les opérations de son client. Le préjudice né du manquement par une banque à son obligation de vigilance s´analyse en une perte de chance de ne pas contracter.
Le banquier est tenu envers son client de plusieurs obligations contractuelles par exemple, d´un devoir de conseil, de vigilance et de mise en garde. En cas de manquement à l´une de ses obligations, le banquier peut voir sa responsabilité engagée sur le fondement de la perte de chance. Selon l´article 1231-1 du Code civil, toute perte de chance ouvre droit à réparation. Ce manquement contractuel est caractérisé comme une faute, il doit être à l´origine du préjudice. Ce préjudice est évalué comme une perte de chance.
Qu'est-ce qu'une perte de chance ?
La perte de chance se fonde sur un évènement qui n´est pas survenu mais dont on estime que la survenance aurait été favorable. En l´occurrence, le banquier est tenu d´une obligation générale de vigilance. En cas de manquement à cette dernière, le juge évaluera la perte de chance selon sa plus ou moins grande probabilité que la victime contracte les investissements litigieux. Par ailleurs, selon la jurisprudence, le juge du fond estime que la victime peut également avoir sa part de responsabilité du fait de son imprudence quant au transfert de ses fonds vers des bénéficiaires invérifiables. Ainsi, le juge évalue la perte de chance de ne pas contracter selon en pourcentage qui peut varier (en cas de jugement favorable) entre 5% et 100%.
Quels sont les critères que le juge analysera ?
Les juges sont susceptibles d´accorder une indemnisation du préjudice si certains critères sont remplis. Ces critères permettent au juge de savoir si le banquier était en mesure de constater l'existence d´anomalies apparentes ou non :
Le montant élevé des virements ;
Le caractère inhabituel des virements ;
La qualité des destinataires ;
La période très courte pendant laquelle les virements sont exécutés ;
La connaissance et l´expertise du client ;
La complexité de l´opération.
Cette liste de critères n´est pas exhaustive, l´appréciation des juges du fond se faisant au cas par cas.
En l´espèce, les 7 virements effectués se distinguent des opérations habituelles de Monsieur X. Monsieur X ne dépensait jamais plus de €800-€1200 par mois. Les sommes virées étant comprises entre €30.000 et €8.000, la banque aurait dû constater que ces opérations sont inhabituelles par rapport au fonctionnement normal du compte de Monsieur X dû au montant élevé et inhabituel. De plus, ces virements étaient au profit de sociétés étrangères et inconnues. Ces virements ont été répétés sur une très courte période, 6 mois, autant d´éléments qui auraient dû alerter la banque.
Tous ces éléments constituent un faisceau d´indice d´anomalies apparentes qui auraient dû conduire la banque à avertir Monsieur X. La banque n’ayant pas informé Monsieur X, par le bais d´une alerte ou d´un avertissement, a manqué à son obligation de vigilance, de conseil et de mise en garde. La responsabilité contractuelle de la banque pourrait, par conséquent, être engagée. Si Monsieur X avait été correctement informé que ces virements été litigieux, il n´aurait probablement pas effectué ces virements.
Par conséquent, la banque émettrice des virements de Monsieur X, victime d´une escroquerie financière, a failli à son obligation générale de vigilance. Dès lors, Monsieur X peut se prévaloir d´une perte de chance de ne pas faire l´investissement et donc d´obtenir la réparation de son préjudice.
NSP Avocats accompagne de nombreuses victimes d´escroqueries financières, y compris dans le cadre d´une procédure extra-judiciaire ou judiciaire.
Nous sommes à votre disposition pour toute question que vous pourriez avoir par rapport à votre situation concrète. N'hésitez pas à nous contacter par email ou directement sur notre site internet.
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